Comment en finir avec le technosolutionnisme, cette croyance que la technologie peut résoudre tous les problèmes sociaux et environnementaux.
Etes vous un acteur de l’engagement
Etes-vous un acteur de l’engagement ?
Comment accompagner l’évolution et les défis du rôle des entreprises au 21e siècle ?
Stratégie & vision – leadership à mission
C’était la question posée par la REF23, la rencontre annuelle du Rassemblement des Entreprises Françaises, qui a eu lieu les 28 et 29 août 2023 à l’Hippodrome de Paris-Longchamp. Une journée plus tard, le 30 août, c’était au tour des Universités d’été de l’économie de demain, portées par le Mouvement Impact France qui rassemble des entrepreneurs qui veulent changer de paradigme, de s’interroger sur « le rôle que peuvent jouer les entreprises pour assurer un avenir serein, faire barrière à la loi du plus fort et contribuer à un apaisement durable de la société ». Ces rencontres témoignent d’un mouvement sous-jacent dans le paysage entrepreneurial français, poussant les entreprises à prendre une responsabilité accrue face aux enjeux socio-environnementaux. Depuis quelques années, celles-ci sont pressées par les différentes parties prenantes : clients, employés, investisseurs, partenaires, société civile, etc. pour prendre en charge une partie, non négligeable, des responsabilités longtemps dévolues aux Pouvoirs Publics et de devenir des acteurs « responsables. En tant que dirigeant ou leader, où croyez vous, vous situez vous dans cette dynamique ? Quels obstacles devez vous encore surmonter pour être un acteur de l’engagement et créer un impact à long terme ?
Du capitalisme classique à la recherche d’un système plus équilibré
Depuis quelques décennies, les entreprises sortent progressivement d’un système capitaliste axé sur la recherche quasi exclusive de profit et cherchent un système plus équilibré entre profit, responsabilité sociale et environnementale. Cette évolution provient de trois forces qui se conjuguent et modifient les attentes des citoyens, à l’égard des entreprises. La première est la prise de conscience croissante des enjeux sociaux et environnementaux. Les citoyens sont de plus en plus conscients des enjeux comme le changement climatique, les inégalités, l’inclusion, etc. et attendent des entreprises qu’elles prennent des mesures efficaces et des engagements pour contribuer à résoudre ces problèmes. La seconde est l‘évolution des valeurs des consommateurs.
Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux valeurs des entreprises et aux engagements qu’elles prennent, quitte à boycotter leurs produits ou services, s’ils les jugent irresponsables ou irrespectueuses. La troisième est l’évolution des réglementations. Les gouvernements adoptent de plus en plus de réglementations pour obliger les entreprises à prendre des mesures sociales et environnementales. Par exemple, en France, la loi sur le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises à établir et mettre en œuvre des plans de vigilance visant à prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. L’équilibre est encore loin d’être atteint, cependant, il s’agit d’une évolution irréversible pour les entreprises. Cela est en partie dû à la faillite des politiques publiques, qui auparavant tenaient le rôle de régulateur concernant les questions de protection de l’environnement, d’équité, de diversité et d’égalité. Elles ont perdu de leur crédit auprès des citoyens, faute d’actions efficaces face aux profondes mutations économiques, sociales et celles du travail. Si les réglementations guident formellement le comportement des entreprises, c’est bien le changement fondamental dans le leadership et les priorités internes des entreprises qui ancrent véritablement cette transformation.
Vers un capitalisme équilibré : profit, responsabilité sociale et environnementale
Depuis plusieurs décennies, on observe un glissement du capitalisme traditionnel, axé sur le profit, vers une recherche d’équilibre entre gains économiques, responsabilité sociale et environnementale. Trois forces majeures guident ce mouvement. La première est la conscience croissante des enjeux mondiaux. Le changement climatique, les inégalités et l’inclusion figurent parmi les préoccupations grandissantes des citoyens. Ils attendent des entreprises des actions concrètes pour y répondre. La seconde repose sur les valeurs des consommateurs. La fidélité des clients dépend désormais des valeurs affichées par les entreprises. Un faux pas ? Le boycottage n’est pas loin. En la troisième force repose sur les réglementations plus strictes. Face aux enjeux, les gouvernements durcissent le ton. La France, par exemple, impose aux grandes entreprises un devoir de vigilance tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Bien que la balance ne penche pas encore parfaitement vers l’équilibre, cette tendance semble irréversible. Pour cause, la confiance dans les politiques publiques s’effrite, laissant un vide que les entreprises sont appelées à combler. Si les réglementations dessinent un cadre, c’est bel et bien l’évolution du leadership des entreprises qui insufflera un changement durable.
Vers un nouveau leadership plus éthique, inclusif, responsable
C’est une nouvelle ère pour les leaders. Finie l’époque où diriger se limitait aux chiffres au bas du bilan. Aujourd’hui, être à la tête d’une entreprise ou d’une équipe, c’est jongler entre profit bien sûr, mais aussi entre considérations sociales et conscience environnementale. Les jeunes générations Y et Z y sont pour quelque chose : elles arrivent avec des valeurs neuves, rafraîchissantes, redessinant totalement le visage du monde professionnel. De plus, à l’heure du tout numérique, fini les secrets : une entreprise doit montrer patte blanche sur ses résultats financiers et sur la façon dont elle s’engage, pour quelles raisons et pour quels buts. Comme si cela ne suffisait pas, les bouleversements mondiaux – du climat aux pandémies – exigent des dirigeants une réactivité et une responsabilité au top niveau. Le défi est de réussir dans cette jungle, tout en préservant la planète et en étant juste, sur un plan social. Un sacré tour de force qui demande détermination, flexibilité et une vision à 360 degrés. Si vous êtes dirigeant et que l’engagement n’est pas encore au sommet de votre liste de priorités, il est temps d’y réfléchir à deux fois.
Le prix du désengagement : des chiffres qui parlent et un risque à ne pas sous-estimer
Selon une étude de Gallup, réalisée en 2022, près de 70 % des employés ne se sentent pas engagés au travail. Imaginez l’impact sur la productivité et l’innovation. La confiance, c’est ce lien invisible mais essentiel avec ceux qui font tourner votre entreprise : employés, investisseurs, clients. Et sans votre engagement, il n’y a pas de confiance. Il y a même des risques sérieux de désarroi. La culture d’entreprise s’affaiblit, les équipes se démotivent et les résultats financiers sont difficiles à atteindre. Prenons l’exemple de la société Netflix, qui en mai 2023, a annoncé qu’elle allait licencier 450 employés, soit environ 3 % de son effectif. Cette décision intervenait alors que l’entreprise venait d’annoncer des résultats financiers positifs, soit 7,9 milliards de dollars de revenus et 1,6 milliard de dollars de bénéfices au premier trimestre 2023. Netflix a justifié sa décision de licencier pour rester rentable, en raison de la perte de 200 000 abonnés au quatrième trimestre 2022, phénomène qui, selon elle, devait s’accélérer en raison de la concurrence accrue. La décision a entraîné un déchainement de mécontentements des salariés sur les réseaux sociaux. Certains ont menacé de quitter l’entreprise. Cela a eu un impact désastreux sur l’image et la culture de l’entreprise, ruinant les efforts de plusieurs années pour construire un environnement de travail positif et collaboratif. Les analystes ont soulevé des questions sur la vision à long terme de Netflix, se demandant si ces licenciements étaient vraiment nécessaires ou s’ils étaient une simple réaction paniquée face à un léger recul du nombre d’abonnés. Les partenaires commerciaux et les créateurs de contenu ont également exprimé leur préoccupation. Ils ont redouté que ces changements n’entraînent une baisse de la qualité des productions de la plateforme. De plus, le moral des équipes restantes a chuté, certains craignant que d’autres vagues de licenciements ne soient à venir.
L’engagement le nouvel actif incontournable de l’entreprise
Construire de l’engagement à long terme et faire face à tous les aléas avec brio, c’est possible. Une première étape est l’auto-évaluation : des sondages réguliers auprès des employés peuvent offrir des insights précieux. L’investissement dans la formation des leaders est également fondamental, ainsi que l’ouverture en faveur de toutes les parties prenantes, par un dialogue sincère de la part des dirigeants. Songez également à mettre en place des incitations basées sur des critères concrets, pour encourager et valoriser l’engagement à tous les niveaux de l’entreprise. De nombreuses entreprises ont déjà recours à ce type de politique d’incitations pour encourager l’engagement de leurs employés. En France par exemple, la SNCF a mis en place un programme d’intéressement aux bénéfices pour tous les employés qui répondent aux critères d’engagement de l’entreprise. En Belgique, l’entreprise Colruyt dans la Grande Distribution, offre à ses employés des congés payés supplémentaires, calculés en fonction de leur ancienneté. En Suisse, l’entreprise pharmaceutique Novartis offre à ses employés des opportunités de développement professionnel et vers plus de leadership.
De l’engagement, de la vision et de l’intention
Chaque dirigeant sait que vouloir c’est pouvoir mais combien réalisent que la véritable force motrice derrière l’engagement, c’est l’intention initiale ? Dans le monde des affaires, s’engager sans une vision claire, c’est comme partir en voyage sans carte. Mais promouvoir une vision sans intention à long terme, c’est comme partir en voyage sans but ou comme construire une maison sans fondation. Diriger, ce n’est pas juste une question d’attitude ou de charisme. C’est une question de vision et derrière la vision, il est préférable et plus efficace d’avoir une intention de créer un impact tangible sur la société et l’environnement, à long terme et si possible en pensant aux futures générations. Une vision claire fait la différence entre une entreprise qui avance à tâtons, épuise ses équipes par des changements successifs sans qu’ils voient l’intérêt véritable, et une autre qui marche avec assurance, sachant exactement où elle va. Une intention crée l’étincelle et la stimule sur la durée. Elle inspire et motive l’ensemble des parties prenantes. Un bon exemple pourrait être l’intention du fondateur et patron de Salesforce, Marc Benioff. En 2022, l’entreprise leader mondial des logiciels de gestion de la relation client, a annoncé qu’elle allait investir 100 millions de dollars dans la lutte contre la pauvreté et la discrimination. Marc Benioff est une personnalité controversée, que certains critiquent pour son style de leadership autoritaire. Cette annonce, comme d’autres du même genre, a donc été jugée par certains comme relevant d’un penchant naturel du fondateur de Salesforce pour le spectacle. Cependant c’est oublié que Marc Benioff est un fervent défenseur de la justice sociale et du développement durable. En cela, il a toujours été constant dans ses intentions de créer une entreprise leader et prospère sur son secteur avec, en plus, une mission socio-environnementale à long terme. Il investit volontiers dans des entreprises vertes et a mis en place plusieurs initiatives de développement durable qui ont rencontré l’adhésion et l’engagement de ses différents interlocuteurs, à maintes reprises. L’annonce de 2022 ne fait pas exception : la salariés de Salesforce ont vu dans cet investissement un signe de l’engagement de l’entreprise à favoriser une société plus juste et équitable. Cela se répercute sur l’ensemble des parties prenantes.
Face à la mutation du paysage entrepreneurial, la clé pour les entreprises du 21e siècle réside dans un engagement sincère et une vision claire, conjuguant profit et responsabilités, pour œuvrer avec assurance dans un monde en quête d’équilibre socio-environnemental.