Quand l’innovation redéfinit la mission du leader

L’essor de la biotech illustre comment les compétences des leaders du futur doivent s’élargir.

Vivre au rythme des mutations

Selon une étude de McKinsey, 85% des dirigeants estiment que la technologie et les innovations scientifiques joueront un rôle majeur dans la stratégie de leur entreprise au cours de la prochaine décennie. 72% d’entre eux croient également qu’ils devront considérablement adapter leur modèle économique pour rester compétitifs. Face à ce constat, un enjeu majeur se présente aux leaders d’aujourd’hui et de demain : se préparer continuellement à des avancées inédites. Ces évolutions, qu’elles soient technologiques, scientifiques ou les deux, bouleverseront tous les secteurs d’activité, exigeant d’eux une adaptation et une évolution constante. Si le fait de savoir adapter les modèles d’affaires est une compétence centrale pour les leaders, elle est loin d’être la seule. Parler d’éthique, s’adapter aux règlementations, voire prendre part à l’activité politique pour les faire évoluer, ou encore s’entrainer à anticiper, deviennent des compétences incontournables. Illustrations à travers l’émergence de la biologie synthétique et de la biotechnologie, deux domaines en pleine effervescence, qui conduit tous les secteurs d’activité ou presque à innover et défient les compétences des leaders.

« Je suis éthique ou je ne suis pas ! »

L’innovation suscite des dilemmes éthiques. C’est le cas dans le domaine de la biotechnologie, où les enjeux se trouvent à l’intersection de la science, de l’éthique et de la responsabilité humaine. En 2018, lorsque le chercheur chinois He Jiankui a annoncé avoir modifié des embryons humains pour les rendre immunisés contre le VIH, l’exploit scientifique a rapidement cédé la place aux enjeux éthiques. Devons-nous féliciter le courage d’un tel acte ou craindre d’ouvrir la boîte de ? Où se trouve la frontière entre guérir et « améliorer » la vie humaine ? Nous l’avons bien compris à l’époque : ce n’était pas seulement le destin des futurs enfants concernés, qui était en jeu, mais celui de toute l’humanité. L’UNESCO a répondu l’année suivante par un appel poignant pour un débat mondial. La question n’était plus celle d’une seule nation mais celle concernant l’ensemble de l’espèce humaine. La biotech touche de plus en plus de secteurs aujourd’hui, de la santé à l’agriculture, en passant par les biocarburants, les textiles, les emballages, la cosmétique, le jardinage, la probiotique… Ses applications sont immenses et prometteuses. Par exemple on pourrait imaginer sans trop de risques de se tromper, voir apparaître des textiles bio-fabriqués qui purifient l’air autour de nous ; des micro-organismes génétiquement modifiés qui nettoient nos eaux usées ; des bâtiments conçus avec des matériaux vivants capables d’auto-réparation. Dès lors, les questions d’éthique vont impliquer tous les dirigeants, quel que soit le secteur d’activité. S’y préparer, c’est d’abord reconnaître la portée de ces innovations, mais c’est aussi et surtout savoir aborder avec lucidité et responsabilité les défis qu’elles soulèvent.Haut du formulaire

L’anticipation ne me décourage pas

L’anticipation n’est pas un concept nouveau pour l’espèce humaine. Depuis des millions d’années, nous avons cultivé cette aptitude innée, cherchant constamment à anticiper les saisons, à prévoir les dangers et à envisager l’avenir pour assurer notre survie et notre prospérité. Aujourd’hui l’anticipation prend une dimension encore plus critique. Envisagez l’impact de la biotechnologie sur l’industrie alimentaire, par exemple. Les avancées en matière de viande cultivée en laboratoire, sans l’abattage d’animaux, représentent un changement radical dans notre approche de la production alimentaire. Ces innovations, tout en offrant des avantages en matière de développement durable et d’éthique, posent aussi des questions complexes sur la réglementation, l’acceptation du marché et l’éthique. Anticiper ces défis et y répondre de manière proactive est essentiel pour les leaders de ce secteur, mais aussi pour tous ceux qui sont touchés indirectement par ces avancées. Selon une étude de McKinsey, les entreprises dotées d’une forte capacité d’anticipation ont 33% de chances supplémentaires d’être leaders dans leur domaine, et leur croissance du revenu est 120% plus rapide que celle de leurs concurrents. Mais cette anticipation, comme le soulignait Angela Merkel, ne concerne pas seulement la gestion des crises. C’est une compétence fondamentale pour « comprendre leurs origines et y apporter des solutions avant qu’elles ne deviennent ingérables ». L’anticipation, loin d’être une charge décourageante, est une source d’empowerment. Elle permet aux leaders d’avancer avec confiance, armés de la compréhension et de la préparation nécessaires pour agir avec des évolutions constantes.

innovation et compétences

J’apprends à être plus politique

Comme dans toute innovation majeure, il y a toujours un décalage entre sa naissance et la mise en place des réglementations qui s’imposent à notre société. La complexité des innovations aujourd’hui, font qu’il est long et difficile de légiférer, encore moins quand la compétition entre chercheurs se produit à l’échelle planétaire et accélère les innovations. Prenons l’exemple de CRISPR-Cas9, un outil d’édition génique qui est souvent comparé à des « ciseaux moléculaires » qui peuvent couper l’ADN à des endroits spécifiques, pour supprimer, remplacer ou ajouter des séquences géniques. Alors que CRISPR-Cas9 a connu des avancées rapides depuis sa découverte, les cadres réglementaires sont restés en retard, laissant place à une multitude d’interprétations et d’incertitudes. En Europe, par exemple, alors que les chercheurs étaient prêts à l’appliquer dans l’agriculture, la Cour de justice de l’Union européenne a tranché en 2018, décidant que les organismes édités devraient être soumis aux mêmes réglementations strictes que les OGM traditionnels. En termes de leadership, cela signifie qu’être un leader demain, ce ne sera pas développer uniquement des capacités à diriger et à inspirer, mais aussi des capacités à gérer directement des aspects réglementaires et politiques en constante évolution. Cela n’exclut pas la capacité d’engager un dialogue avec les décideurs politiques, ou même de contribuer à l’élaboration du cadre réglementaire.

Conclusion

Si la biotechnologie et la biologie synthétique offrent des opportunités passionnantes et novatrices, elles illustrent également le défi plus vaste auquel sont confrontés les leaders d’aujourd’hui et de demain. Le leadership du futur exige une adaptation, une éducation et une anticipation constantes. Développer ces compétences aujourd’hui les préparera à guider efficacement leurs organisations dans un avenir rempli d’incertitudes, mais aussi de promesses.

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