Les leçons du biomimétisme appliquées au leadership
gestion du changement
Janine Benyus, biologiste de renom, écrivaine et conférencière, a contribué à populariser le concept de biomimétisme. Ce terme, qu’elle a popularisé dans son livre de 1997intitulé « Biomimicry: Innovation Inspired by Nature », se base sur l’idée d’imiter les stratégies de survie et d’adaptation des êtres vivants pour résoudre des problèmes humains. Ce concept a principalement été appliqué à la conception de produits, de matériaux et d’infrastructures mais à travers cette newsletter, nous proposons de l’appliquer au leadership, pour inspirer la manière de diriger une équipe ou une entreprise. Après tout, Albert Einstein nous le déclarait déjà en son temps : « Regardez profondément dans la nature et vous comprendrez tout mieux ». Tentons donc de comprendre ce que la nature et le règne animal peuvent nous faire comprendre en termes de leadership appliqué au monde moderne.
L’organisation des fourmis : vers une décentralisation du pouvoir
Depuis des millénaires, les fourmis ont créé des sociétés parmi les plus sophistiquées du règne animal, caractérisées par une organisation décentralisée remarquable. Ces travailleuses infatigables, qui peuvent porter jusqu’à 50 fois leur propre poids, ont réussi à survivre et à prospérer grâce à leur capacité à travailler en équipe et à s’autogérer. Dans la colonie de fourmis, chaque individu a un rôle précis – reine, ouvrière, soldat – mais ces rôles ne sont pas définis de manière hiérarchique. Chaque fourmi a la capacité d’ajuster son comportement en fonction des besoins de la colonie. Il s’agit là d’un modèle de leadership décentralisé, où l’information et l’autorité sont distribuées au sein de la colonie. Cela permet une flexibilité et une résilience extraordinaires. En 2010, l’Université de Bristol a publié une étude qui révèle que les fourmis peuvent résoudre des problèmes complexes en travaillant ensemble, une compétence qui pourrait avoir des implications importantes pour l’avenir des communications et des réseaux. Dans le monde des affaires, cette décentralisation du pouvoir peut aider à créer des organisations plus résilientes, plus adaptatives et plus créatives.
Le mycélium des champignons : repenser la communication et la collaboration
Le mycélium, réseau de filaments qui constitue la partie souterraine des champignons, est un exemple remarquable de communication et de collaboration. Ces réseaux interconnectés permettent aux champignons de partager des ressources, des informations et même de défendre ensemble leur territoire. Le biologiste Paul Stamets, auteur de « Mycelium Running: How Mushrooms Can Help Save the World », compare le mycélium à « la version de la nature d’Internet ». Cette capacité à créer des connexions et à partager des informations, peut inspirer la manière dont les entreprises abordent la communication et la collaboration. Une étude de 2019, publiée dans le journal Nature, a démontré que le mycélium pouvait relier plusieurs plantes dans une forêt, créant un réseau souterrain de communication entre elles. Les organisations qui cherchent à améliorer leur collaboration peuvent s’inspirer de cet exemple naturel, pour créer un environnement de travail plus ouvert et intégré.
La migration des oies : la nécessité d’un leadership flexible
Les oies sauvages sont connues pour leur impressionnante migration en formation en V. Ce qui est remarquable dans ce phénomène est que le rôle de leader n’est pas figé. Au cours de la migration, les oies alternent la position de leader, pour éviter l’épuisement d’un individu et optimiser ainsi l’effort du groupe. Cette pratique offre une leçon précieuse sur l’importance de la flexibilité dans le leadership. Selon une étude de 2014 de l’Université de Cambridge, ce partage du leadership peut augmenter l’efficacité d’un groupe jusqu’à 14%. Dans le contexte actuel où la résilience et l’adaptabilité sont de plus en plus valorisées, ces leçons issues de la nature peuvent aider à construire des organisations plus agiles et résilientes. L’échange des rôles de leadership, à l’image de ce que font les oies durant leur migration, pourrait encourager une plus grande responsabilité partagée et une plus grande flexibilité au sein des équipes. Il n’est pas nécessaire que le leadership soit porté par une seule personne tout le temps. En fait, le leadership flexible permet d’exploiter les forces de chaque membre de l’équipe en fonction des circonstances. Cela permet une plus grande adaptabilité face aux changements, une meilleure répartition de la charge de travail et une meilleure performance globale de l’équipe.
Adopter le low leadership pour apprendre à s’inspirer
Ce ne sont là que quelques exemples des leçons précieuses que nous offre la nature. Les abeilles aussi, par exemple, nous enseignent l’importance de la coopération et de l’organisation précise pour atteindre un objectif commun. Les arbres dans une forêt, à travers leur réseau de communication souterrain complexe, nous montrent comment partager des ressources et des informations de manière efficace… Avec sa diversité d’espèces et ses milliards d’années d’évolution, la nature constitue une source d’inspiration inépuisable pour repenser nos organisations, ainsi que les notions de prospérité, de réussite collective, de leadership, etc. Elle nous aide surtout à ouvrir notre regard sur des stratégies collectives qui se sont sans cesse perfectionnées au cours de millénaires, pour permettre aux espèces de survivre et de s’adapter. Nous pourrions baptiser cela : le low leadership, c’est-à-dire prendre le temps de regarder, d’apprendre et de nous inspirer, pour construire des organisations qui peuvent s’adapter et prospérer dans notre monde en constante évolution mais aussi en pensant aux futures générations.
Plus important
Au-delà de ces exemples, le biomimétisme invite à une réflexion plus large. Il suggère une autre façon de percevoir notre relation avec la nature : non plus comme une ressource à exploiter mais comme un mentor à respecter et à écouter. En cette période de fortes mutations, où le besoin de repenser notre système économique et nos entreprises se fait de plus en plus pressant, regardons autour de nous. La nature nous offre une infinité de solutions éprouvées et durables. Il est temps d’écouter et d’apprendre. Il est temps de préparer le terrain pour une nouvelle génération de leaders, ceux qui, inspirés par la nature, sauront réinventer leurs organisations pour mieux répondre aux défis de notre époque. Explorer les enseignements du biomimétisme pourrait paraître idéaliste ou même utopique. Cependant, il est important de noter que de nombreux dirigeants innovants ont puisé dans l’observation attentive de la vie qui les entoure, pour repousser les limites du progrès. Les grandes innovations ne proviennent pas uniquement des laboratoires ou des salles de réunion mais aussi de cette capacité à voir et à comprendre le monde sous des angles différents. Aujourd’hui, le véritable progrès ne se mesure plus seulement en termes de profit ou de croissance, mais également par l’impact que nous avons sur notre environnement et notre société. La recherche d’un impact plus grand, plus durable et plus équilibré est devenue une exigence incontournable. Et pour cela, la nature offre une multitude d’exemples et de solutions… tout en se ressourçant !
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